PETITE SUPRISEEEE !!!!!!!!!!!!!!!!
Entretien avec Catherine Frot
Comment vous êtes-vous retrouvée impliquée dans ce projet ?Les deux garçons [Alexandre Charlot et Franck Magnier] et moi, nous avons le même agent, Jean-François Gabard, et c’est lui qui, tout naturellement, nous a fait nous rencontrer. Le courant est immédiatement passé entre nous. Ils sont venus me voir avec l’envie d’IMOGÈNE Mc Carthery d’après les livres d’Exbrayat. UGC, et
notamment Brigitte Maccioni avec qui j’avais déjà travaillé, a suivi tout de suite.
Alexandre Charlot et Franck Magnier vous ont-ils dit pourquoi ils avaient pensé à vous pour ce personnaged’agent très spécial ?Je crois simplement qu’ils avaient envie de quelque chose de farfelu et qu’ils savent que c’est un registre qui m’amuse et m’inspire.
Connaissiez-vous les livres de Charles Exbrayat ?J’avais lu quatre ou cinq Imogène quand j’avais 15 ans dont Ne vous fâchez pas, Imogène ! qui est le premier et qui est celui qu’ont choisi d’adapter Alexandre et Franck. Ce sont des lectures idéales pour l’adolescence et je sais que, comme moi, il y a des gens qui gardent un souvenir très fort de ces lectures. C’est une
littérature typique de série B : le personnage et les situations sont d’un cocasse, d’un « gagesque » même, assez rare. Et puis, ce n’est pas si courant de trouver un personnage de fiction aussi coloré, une héroïne qui a cette démesure…
C’est cette démesure qui vous a séduit ?Oui, cette démesure, et le fait qu’Imogène soit au milieu de la vie, ni vieille, ni jeune. Par moments, c’est une femme qui a de la bouteille, qui a connu beaucoup de choses et surmonté beaucoup d’obstacles. A d’autres, c’est une gamine. J’aimais bien aussi son évolution. Au départ, c’est quand même une vieille fille bornée, nationaliste, quelqu’un de pas très folichon et même d’atroce - ça m’amuse toujours de partir d’un postulat aussi extrême ! - puis, elle va découvrir l’amour et ça va la transformer… D’ailleurs, si dans la première partie du film, Alexandre et Frank ont été très fidèles au livre, dans la deuxième partie, ils ont laissé le versant romanesque prendre un peu le dessus. Et ils ont bien fait. J’ai beaucoup aimé leur adaptation. J’ai toujours besoin d’avoir une construction un peu carrée dans les scenarii, j’aime bien que ça se tienne, que la ligne de conduite soit assez claire.
Comment définiriez-vous Imogène à quelqu’un qui n’a jamais lu les livres d’Exbrayat ?Imogène Mc Carthery – j’adore que l’on dise son nom, ça lui donne une certaine allure ! - est une vieille fille bornée, une Ecossaise nationaliste qui déteste autant les Anglais qu’elle aime le rugby et le whisky, une rosse qui est quand même assez « dinguote », une énergumène qui travaille dans les services de renseignements et se balade avec un fusil à pompe, qui a sa voiture mais ne sait pas conduire, qui prend des décisions fondamentales dont elle ne sait pas où ça va la mener… sauf dans le mur ! C’est quelqu’un de confondant. Elle rêverait d’être romantique mais elle n’en est pas vraiment capable. C’est un faux personnage romanesque : il n’y a qu’un vieux souvenir d’enfance pour lui réussir au niveau de l’amour ! Mais, lorsque, soudain, l’amour fait effectivement irruption dans sa vie, sous les traits de son amour de jeunesse, le policier joué par Lambert Wilson, elle devient une vraie femme. C’est un peu la mégère apprivoisée. Elle a un sale caractère mais va se faire dompter par l’amour. Imogène, c’est quelqu’un qui rit, qui pleure, qui chante, qui gronde… Un véritable anti-héros qui évolue dans un contexte désuet. Une aventurière, en tout cas si on imagine que la vie ressemble aux livres. Pour tout dire, ce n’est pas un personnage très réaliste.
On a le sentiment que vous prenez un plaisir de plus en plus grand à interpréter ce genre d’héroïnes pas du tout réalistes, très dessinées…
Les deux réalisateurs se sont bien amusés à retrouver les codes des années 60, à jouer avec les clichés, à multiplier les clins d’oeil, à flirter avec le pastiche, avec le côté feuilletonesque - ce n’est pas «Chapeau melon et bottes de cuir» ni Tintin mais il y a quelque chose de cet ordre-là. Je savais, en partant dans cette aventure, que j’allais m’amuser, que j’allais retrouver une part d’enfance.
C’est d’ailleurs l’atout du film : le plaisir que vous prenez tous à jouer de tels personnages participe forcément au plaisir du spectateur…
Ça tient aussi aux personnages. C’est rare d’avoir à jouer des personnages aussi drôles. En France, dans les comédies, on est généralement plus dans quelque chose de très réaliste, de doux, amer même parfois, où c’est assez difficile de donner du caractère. Moi, je trouve au contraire beaucoup de plaisir à ces univers loufoques, pleins de fantaisie, que ce soit ici, chez Pascal Thomas ou chez Albert Dupontel…
Comment travaillez-vous ce type de personnages ? Est-ce évident de trouver ce ton si particulier ?Ce n’est pas très compliqué car c’est un registre dans lequel je me sens à l’aise. La candeur farfelue, c’est quelque chose que je connais. C’est un ton qui m’est plutôt familier. Je suis persuadée que cette part d’enfance que j’ai en moi et sur laquelle je m’appuie, sera toujours là quand j’aurai 80 ans. Dès mes débuts, j’ai joué des personnages un peu naïfs qui faisaient rire malgré eux, « par défaut » pourrait-on dire. C’est ce sillon que j’aime creuser, explorer même s’il arrive toujours un moment où j’ai besoin du registre dramatique… Imogène est un personnage « premier degré ». J’avais envie qu’il soit simple, que l’on soit emporté par l’aventure. De toutes les façons, quel que ce soit le rôle, il y a toujours un certain secret que garde l’acteur. On ne peut pas tout dire quand on joue, on ne sait pas toujours pourquoi on fait ce que l’on fait. Il y a une part d’abandon nécessaire et certaines certitudes obligatoires, histoire de ne pas avoir peur.
On a le sentiment que peu de choses vous font peur !Je ne sais pas… Si, une : j’ai toujours le trac de démarrer. Les premiers jours, au cinéma comme au théâtre, me font peur. Quand on se demande si l’alchimie va prendre, si on est dans la bonne direction, si on va pouvoir aller le plus loin possible dans cette direction-là… On sent qu’un soin tout particulier a été apporté à vos costumes… J’aime bien que les silhouettes soient fortes, soient bien dessinées surtout quand on est dans ces univers-là. Ça aussi, ça facilite le jeu, la construction du personnage. Avec le costumier, Olivier Bériot, nous avons aimé travailler sur les tissus écossais, sur les coupes tout en faisant bien attention que les costumes soient à la fois très marqués et très seyants, très drôles et très séduisants. Il y a une fraîcheur, un côté clownesque.
Avez-vous eu envie - ou besoin - de relire le roman d’Exbrayat avant le tournage ?En fait, je l’ai relu pendant le tournage. Pour le plaisir. Et aussi parce que c’était une belle source d’inspiration. Il y a de bonnes descriptions qui sont vraiment très amusantes, qui stimulent l’imagination.
C’est la première fois que vous avez un rôle aussi physique…Ah oui et… j’ai adoré ça ! J’ai fait jadis beaucoup de sport et ça m’est revenu pendant le tournage. Jouer au rugby, traverser le stade, plonger dans la rivière… Tout ça m’a beaucoup plu. Il y avait un plaisir sportif et poétique mêlé, qui était très agréable…
En quoi diriez-vous que Franck Magnier et Alexandre Charlot se complètent ?Déjà, ils s’entendent très très bien et depuis longtemps si j’en juge par ce qu’ils racontent de l’époque où ils écrivaient les textes des Guignols sur Canal + ! En quoi se complètent-ils ? Franck dit qu’il est la mère ou la soeur ou la femme, je ne sais plus, d’Alexandre ! Sans doute parce qu’il est d’une nature plus douce. Sur le plateau, en tout cas, on les sentait vraiment très reliés même si Franck est peut-être plus proche
des acteurs, et Alexandre plus proche de la technique. Ils ont un esprit vif, très rapide, ils sont curieux, il y a quelque chose de moderne chez eux… Ils ont une grande facilité d’adaptation à pas mal de choses différentes, d’où des tas de ruptures dans la construction et le rythme du film.
Qu’attendez-vous de vos partenaires ?Quand je pense à un film, je pense souvent au public et je me dis que le but à atteindre, lorsque l’on est, comme ici, dans le cinéma de divertissement, c’est la séduction, l’intelligence, le plaisir, le rire, un peu de brillance… Tout ça pour dire que les partenaires ont dans cette alchimie un rôle essentiel. Pour moi, la présence,
dans ce film, d’acteurs comme Lambert Wilson et Michel Aumont était vraiment très importante. Lambert a une telle plastique, une telle ironie naturelle que l’on ne pouvait pas mieux choisir pour incarner ce personnage. Il porte l’habit du policier avec une vraie grandeur ! Il est formidable. Jouer avec lui comme jouer avec Michel
Aumont, c’est un ressort fantastique parce qu’il y a un challenge d’importance. Avec Michel Duchaussoy aussi, même s’il a ici une plus petite partition. Mais avec tous les acteurs, c’était un vrai plaisir. Avec Danièle Lebrun, avec Lionel Abelanski, qu’Imogène maltraite avec délectation, avec les trois comédiens
qui jouent les espions russes…
Si vous ne deviez garder qu’une image, qu’un moment de cette aventure ?La scène de la pêche à la mouche ! Il y a dans ce mouvement du lancer de la ligne quelque chose d’assez gracieux, de féminin, et à la fois quelque chose de très nerveux, de très marrant. Tout d’un coup, c’est la femme au combat ! C’est une diablesse. En plus, nous étions en Ecosse, dans des paysages magnifiques…
Ça vous a donné envie de faire d’autres IMOGÈNE ?Pourquoi pas, si le public est séduit. Il ne faut pas forcer le mouvement. On verra. Mais c’est sûr, pour une actrice, c’est un personnage tellement truculent…